La revue française agricole TCS parle de biosurveillance

Dans son numéro de juin 2021, la revue agricole française TCS (Techniques Culturales Simplifiées, Agronomie, Ecologie et Innovation), créée il y a 20 ans par un agriculteur visionnaire, faisait écho d’un projet de biosurveillance en cours en Belgique. Voici l’article (merci pour leur aimable autorisation).

Les vers de terre prochaines sentinelles de l’agriculture

Un projet de biosurveillance d’une zone de captage d’eau est en cours en Belgique. Son but ? Créer un outil de diagnostic précoce des éventuelles pollutions par les pesticides pouvant affecter la qualité de l’eau de distribution. Les organismes testés pour les compartiments air, sol et eau sont respectivement les abeilles, les vers de terre et les communautés végétales aquatiques.

En complément des analyses physiques et chimiques utilisées pour surveiller les eaux de distribution publique, si on faisait entrer la biologie par la grande porte ? L’idée est que celle-ci pourrait apporter des mesures intégratives de toute une série de comportements tant dans le temps que dans l’espace, alors que les mesures physico-chimiques apportent un constat ponctuel rendant compte d’un état de fait accompli. Les analyses classiques dans l’eau coutent cher et arrivent trop tardivement pour assurer un rôle de prévention.

Par définition, la biosurveillance (ou biomonitoring) est un ensemble de méthodes utilisées pour détecter et mesurer la concentration des polluants ou de leurs métabolites au sein des différents niveaux de l’organisation biologique. Les données de biosurveillance permettent de mieux comprendre l’exposition aux polluants et fournissent des renseignements permettant d’étayer la gestion des risques que présentent les substances chimiques.

En Belgique, la Société Publique de Gestion de l’Eau, à la recherche de solutions innovantes pour protéger les captages, a lancé en 2018 un appel à projets. Parmi les lauréats, un projet intitulé « Diagnostic précoce de risque de contamination par les pesticides : biosurveillance autour des galeries de captage du Néblon » s’est construit en rassemblant des hydro-géologues et des agronomes issus du privé, de l’associatif et du public. Le projet a débuté en 2019 pour se clôturer en 2022.

Marie Cors, la coordinatrice du projet explique : « nous avons analysé des pesticides l’an dernier dans le bassin du Néblon (en zone agricole de Condroz et Famenne), et poursuivons cette année dans le même bassin ainsi que dans une autre zone de prévention des galeries de la Compagnie Intercommunale Liégeoise des Eaux en Hesbaye. Ces deux zones sont majoritairement agricoles. Nos analyses portent sur les concentrations de pesticides dans l’air, dans le sol et dans l’eau souterraine. Nous comparons des méthodologies classiques d’analyse avec des méthodes intégratrices de type bioindicateurs : abeilles, vers de terre et végétation aquatique. »

Pour les abeilles, c’est le pain d’abeille issu de la ruche ainsi que quelques spécimens de l’insecte qui sont passés au peigne fin pour y rechercher des traces de pesticides ou des protéines oxydées, témoins d’un changement métabolique de l’abeille suite à une exposition aux polluants présents dans l’air.

Le cours d’eau en connexion avec le captage d’eau souterraine est parcouru en long et en large afin d’identifier toutes les communautés végétales. Certaines sont bio-indicatrices d’eutrophisation, d’autres, comme certaines diatomées résistantes, indiquent la présence d’herbicide.

Dans quelques parcelles agricoles du bassin versant, les vers de terre ont été prélevés au test bêche en automne 2020 et au printemps 2021 selon le protocole de l’observatoire des vers de terre de l’université de Rennes. Les vers de terre sont dénombrés, stockés dans de l’alcool et envoyés à l’université de Rennes pour détermination de l’espèce et de la sous-espèce.

Dans chaque parcelle agricole inventoriée, six volumes de terre d’une largeur d’un fer de bêche (20 cm) et d’une profondeur de 25 cm sont émiettés minutieusement dans des bacs afin de récolter tous les vers de terre. Crédit photo : Frédérique Hupin

L’étude est encore en cours et les résultats ne sont pas encore complets mais on observe déjà des tendances. L’abeille ne semble pas être un bio-indicateur assez sensible pour les faibles concentrations en pesticides mesurées dans l’air.  Aucun pesticide n’a été détecté dans le pain d’abeilles et l’état de santé des abeilles n’a pas non plus été affecté. En première approche, les vers de terre montrent davantage de diversité dans leur abondance au sein des différentes parcelles agricoles, et elle est chaque fois corrélée positivement avec la présence de pesticide dans les analyses de sol. Même s’il semble facile de faire un lien direct, telle ne sera sans doute pas la conclusion. Au-delà de l’abondance des vers de terre, la répartition des espèces présentes sera sans doute davantage un indicateur de qualité globale du sol, résultat d’un ensemble de pratiques.

Le but de ce projet est avant tout méthodologique. L’avenir dira si la méthode peut être appliquée à d’autres captages.